8

 

Une fois la séance terminée, ils se rendirent dans un petit restaurant où ils prirent un repas léger. Après cela, ils se reposèrent une heure avant d’aller chercher l’un des compagnons de chambrée de Kris – un jeune Terrien blond et jovial appelé Nils Istoort – afin de faire un peu de sport : deux matchs de handball et un set de badminton. Discrètement, dès qu’il en eut l’occasion, Faulcon fit comprendre à Nils qu’il serait peut-être bon de garder un œil sur Kris Dojaan pendant les heures à venir. Les deux compagnons avaient de toute façon prévu de monter dans les Salons aériens et de dépenser le bonus de Kris en alcool, si bien que Faulcon et Lena se retrouvèrent avec quelques heures d’oisiveté devant eux. Ils rentrèrent immédiatement dans les quartiers de Faulcon. Pendant un moment, ils s’affalèrent sur le sol couvert de coussins et discutèrent.

« Que voulait Ensavlion ?

— Il m’a demandé de garder un œil sur Kris. Il ne veut pas qu’il s’aventure dans la vallée avant d’être prêt. »

Lena haussa les épaules, indifférente, épuisée.

« D’après ce que tu dis, il ira de toute manière. Tu fais confiance à son petit copain pour le surveiller ?

— Oui. En plus, on doit se revoir tout à l’heure…

— Oh je vois ! Je ne suis qu’un intermède dans ta séance de beuverie ! »

Sans lui prêter attention, Faulcon enchaîna :

« On doit juste se revoir ! Pour parler ! Et je n’ai pas l’intention de quitter Kris des yeux jusqu’à ce qu’il tombe ivre mort. Mais je ne crois pas qu’il me désobéira. Il a le sens des responsabilités, et il sait qu’il sera libre de faire ce qu’il veut dès demain.

— Le sens des responsabilités, se moqua Lena avant d’éclater de rire, le même que le tien ? » Puis elle demanda, plus sérieusement :

« Qu’est-ce que ce garçon t’a fait, Léo ?

— Qu’est-ce que tu veux dire ? Comment ça, ce qu’il m’a fait ? Il ne m’a rien fait du tout.

— Tu mens. »

Elle glissa de son coussin et alla se lover près de Faulcon. Elle déboutonna sa chemise et lui caressa la poitrine.

« Il a un sacré effet sur toi.

— Quelle sorte d’effet ? Je n’ai rien remarqué.

— Pour commencer, je ne t’ai jamais vu passer autant de temps avec quelqu’un d’autre que moi, à une exception près…

— Lena, s’il te plaît, ne parle pas de ça.

— Ce n’était pas mon intention. Kris est très différent. Je sais que tu fais preuve de sympathie, et je sais que tu tentes de mettre ce garçon à l’aise. Tu veux qu’il se sente chez lui. Mais d’habitude, Léo, après chaque mission, on passe toujours du temps ensemble !

— Pas cette fois-ci. Je sais… Lena, je suis désolé de ce qui arrive…

— Je ne veux pas de tes regrets, Léo. Je suis une grande fille. Je veux seulement que tu reconnaisses que Kris a beaucoup plus d’influence sur toi que tu ne sembles le penser.

— Comme tu l’as dit, j’essaie de me montrer accueillant, voilà tout. J’essaie de le rassurer, de m’en faire un ami. » Faulcon prit la main de Lena et la porta à ses lèvres ; elle le regarda chaleureusement puis demanda : « Fini les changements d’humeur ?

— Dieu merci. Ne change pas de sujet. Qu’est-ce que tu as dans la tête, Léo ? Que t’a fait notre jeune Terrien ? »

Faulcon resta silencieux pendant un moment. Le regard dans le vide, il essayait de mettre de l’ordre dans le chaos de pensées et d’émotions qui se bousculaient dans son esprit chaque fois qu’il tentait de sonder les relations qui l’unissaient à Kamélios.

« Je crois que c’est de l’exaltation. De l’émerveillement. Le genre de sensation qu’on avait à l’école quand les gens parlaient d’autres galaxies et de tous les mondes qui n’avaient jamais été explorés. C’est l’imaginaire, le mystère que l’on éprouve lorsqu’on nous raconte des histoires d’îles lointaines, d’astéroïdes invisibles, de lieux secrets où tout est étrange, et où les étrangers, les intrus, c’est nous. Il y a quelque chose de magique dans l’inconnu, et je me souviens que c’est la sensation d’inconnu, le besoin impérieux de dévoiler un pan de cet inconnu, qui m’a amené ici. Et puis plus rien, tout est devenu routinier. Le canyon n’était plus qu’un canyon, les extraterrestres des extraterrestres. Et quoi ensuite ?

— C’est là qu’intervient Kris Dojaan. L’enfant aux yeux remplis d’admiration, d’émerveillement, et voilà que Léo Faulcon retrouve son humanité. Je comprends. Tu as de la chance. »

Lena était calme. Elle avait posé la main sur Faulcon, mais elle ne lui communiquait plus aucun désir. Elle ne le regardait pas. Il passa alors un bras autour de ses épaules et caressa délicatement la peau soyeuse de sa joue.

« Tu te sens trop blasée, c’est ça ?

— Il y a longtemps que je suis blasée. Je ne ressens plus aucun émerveillement. Mais je connais cette sensation de perte. Vraiment. Tu le savais ça ? La perte… de quelque chose, d’une partie de moi-même. Ce monde est un assassin. Il faut partir, Léo, avant qu’il ne nous achève. »

Faulcon la serra fort, et elle le regarda ; elle avait les yeux remplis de larmes. Faulcon l’embrassa sur le nez.

« Je t’aime, Lena. Je t’aime, vraiment.

— Dis-le encore.

— Non. » Il sourit. « C’est ta ration pour ce soir.

— Radin. »

Elle s’allongea contre sa poitrine. Un silence et une quiétude agréables régnaient dans la pièce, et après un moment les yeux de Faulcon se fermèrent.

Plus tard, il alla voir ce que faisait Kris Dojaan et le trouva profondément endormi sur sa couchette, tandis que son compagnon de chambrée terminait une bouteille de baraas et lisait tranquillement Faulcon partit se promener du côté du Salon aérien, mais la nuit était sombre et sereine, et il ne se passait rien de spécial. Au bout d’un moment, il se trouva un fauteuil confortable, s’y installa et s’assoupit.

Au matin, peu après que l’énorme disque auréolé de rouge d’Altuxor eut lentement émergé de l’horizon oriental, il retourna chercher Kris dans son baraquement pour le petit déjeuner – le garçon allait sans doute se plaindre d’être réveillé de si bonne heure. Un solide repas était indispensable avant leur ultime entraînement, qui serait aussi le plus intense.

Kris n’était pas là. Nils, son compagnon de chambrée, dormait toujours, étalé à demi hors des draps, ronflant énergiquement ; le dortoir empestait l’alcool. Faulcon se demanda un instant où Kris avait bien pu aller, ce qu’il pouvait bien avoir à faire si tôt. Peut-être regarder l’aube se lever, ou aller déjeuner. Une pensée désagréable le taraudait. Était-il possible qu’il ait décidé de profiter de la matinée pour aller se balader… hors des murs de la cité… ?

Léo s’aperçut soudain qu’une voix douce et insistante appelait son nom, presque perdue au milieu du brouhaha qui envahissait peu à peu les couloirs du baraquement. Il regarda autour de lui et aperçut un téléphone mural. Après avoir décroché le combiné et s’être identifié, quasi instantanément, il eut Lena au bout du fil. Elle lui ordonna sèchement, presque avec colère, de descendre au hangar.

Il traversa les niveaux en courant, arriva dans la salle hors d’haleine et fouilla les rangées de combinaisons, à la recherche de Lena. On avait ouvert la passerelle qui menait à la surface de la planète, mais la légère lamentation du champ de force de l’entrée empêcha Faulcon de saisir le premier masque venu. Une silhouette pesante se tenait là, une combinaison-R, les jambes tendues, les détails de son insigne perdus au milieu des lueurs étincelantes du monde extérieur.

Derrière le masque teinté se trouvait évidemment Lena. Lorsque la combinaison se mit en mouvement et avança dans la salle, il vit son visage à l’intérieur du casque. Elle paraissait fatiguée, presque à bout de force. Et elle était apparemment porteuse de mauvaises nouvelles.

L’exvox retransmit sa voix grinçante.

« Habille-toi. Notre petit coéquipier, en dépit de son célèbre sens des responsabilités, est allé dans la vallée.

— Surprise, surprise, dit Faulcon d’un ton morne.

— Et sans combinaison, qui plus est ! On va se faire sucrer notre bonus si une bourrasque temporelle le rattrape ou s’il se casse quelque chose. Habille-toi. Ne reste pas planté là la bouche ouverte. »

Tout amour s’était évanoui devant la colère de la professionnelle. Tandis que Faulcon se hissait dans sa combinaison, grimaçant lorsque les sondes de contrôle pénétrèrent sous sa peau, il songea pour la énième fois qu’il avait été cinglé d’accepter un poste dans la même équipe que Lena. Cinglé. Il était déjà assez difficile d’aimer cette femme avec des sautes d’humeur qui compromettaient leur relation toutes les cinq minutes. Lorsqu’elle était tous les jours obligée d’assumer un poste de commandement, la tension entre eux devenait souvent insupportable.

Mais ce n’était pas totalement la vérité, s’avoua-t-il en silence alors qu’il refermait la carapace. Il était fatigué, elle aussi, et ils étaient tous les deux de mauvaise humeur. La plupart du temps leur travail se passait bien. C’était juste les périodes comme celle qu’il vivait actuellement dont il aurait aimé se passer.

Kris allait s’en prendre une – une paire de gifles de combinaison-R – Faulcon en était certain.

Dès qu’il fut prêt, Lena se tourna et fit un signe de la main aux techniciens. L’écran de protection disparut, les lumières se mirent à clignoter ; dans ses écouteurs, Faulcon entendit Lena qui lui enjoignait de sortir de la cité. Il la suivit sur la passerelle et ils se mirent à courir aussitôt qu’ils touchèrent terre.

Lena allait en tête à une vitesse de quinze kilomètres heure. C’était une vitesse assez confortable, qui exigeait néanmoins quelque effort physique afin de contrôler leur combinaison. Ils dévalèrent une ravine au fond plat, encombrée de véhicules de toutes sortes qui transportaient du ravitaillement et des spécimens entre la cité et les stations d’observation. Après quelques minutes, ils martelèrent la route de la vallée, parallèle au rift, mais située un peu en dessous des pentes d’accès rocailleuses.

Ils dépassèrent plusieurs stations d’observation, dont les ruines d’Eekhaut, et Faulcon commença à se demander ce que Lena avait en tête. Avant qu’il ait pu formuler sa question, elle vira abruptement au nord, sur la piste d’accès, en direction de la station d’observation Shibano toute proche.

Faulcon sentit immédiatement son cœur s’emballer. Son esprit et son corps lui parurent légers comme l’air et il eut la sensation de flotter. Il avait si souvent vu cette vallée… mais il comprit soudain qu’il allait la voir différemment, ou plutôt avec davantage de précision, qu’il allait la revoir comme il l’avait vue la première fois, avec des yeux émerveillés, l’imaginaire de la jeunesse.

Ils étaient au virage Rigellan. Le canyon s’orientait au nord, s’élargissait, gagnait en profondeur et y arborait ses ruines les plus fabuleuses, champ de foire de l’Outretemps qui s’étendait sur des kilomètres de distance. En quelques secondes, ils atteignirent le bord du rift. En silence, ils contemplèrent ce panorama stupéfiant.

On trouvait ici un tel méli-mélo d’étrangetés que Faulcon en avait le vertige à chaque fois qu’il tournait la tête, il avait toujours du mal à exprimer l’impression déconcertante que lui donnaient ces formes et ces lumières, structures douces et dentelées, gigantesques, tordues et voûtées d’une autre race et d’un millier d’autres temps, toutes imbriquées et emmêlées les unes dans les autres en des arrangements pour lesquels elles n’avaient jamais été conçues. Son regard s’attarda sur plusieurs énormes tours translucides, déformées, érodées par le vent et la pluie, scintillantes sous la vive lueur teintée de rouge d’Altuxor qui était maintenant haut dans le ciel. Il était fasciné par une immense toile d’araignée tentaculaire, au dessin complexe, dont les fils brisés saillaient et tremblotaient comme s’ils cherchaient à quelle partie de l’ensemble ils appartenaient. Il discerna de larges routes vaguement familières, dont une s’élevait au-dessus du sol sur des piliers d’acier : cette route commençait et se terminait abruptement, et le vent l’avait déplacée vers la toile si bien qu’elle la transperçait en plein milieu. L’autre extrémité de cette route reposait gauchement sur une structure cubique noire, dans laquelle s’activaient plusieurs robots de la cité. Ils étudiaient sans doute le contenu du volume régulier, afin de l’extraire maintenant qu’une équipe humaine l’avait exploré. Toute la vallée en contrebas n’était qu’une décharge de bâtiments extraterrestres et d’énormes machines à demi sectionnées, à demi vivantes, au nez retroussé et aux larges ailes, sur chenilles ou sur roues, sur le dos, exhibant leurs réacteurs, ou le nez plongé dans le substrat de la vallée si bien que seul leur arrière-train se dressait dans l’atmosphère froide et immobile. Des chaussées chatoyantes tremblaient sous des brises ordinaires, structures en spirale qui s’achevaient à des centaines de mètres dans les airs.

La plupart des vestiges s’amassaient au fond du canyon, sur une vaste plaine décapée, où autrefois, peut-être, coulait un fleuve. Elle était désormais couverte en grande partie par une forêt, boisement multicolore et confus résultant d’une accumulation d’espèces indigènes provenant d’ères différentes ; c’était les masses agitées vertes et rouges des larges-fléaux venus du passé de Kamélios qui prédominaient, ainsi que les bosquets de ces plantes blanches et cornues appelées skagbark. Sur les vastes corniches qui séparaient les divers escarpements des falaises, c’était le skagbark qui dominait, ses racines s’entortillant dans le vide en quête d’eau dans le sol pauvre des pentes. Au-dessus des corniches, le dessin des strates ondulait, se tordait, traversait la vallée en un puzzle géologique. Le rift profond serpentait au loin, dans la brume et l’obscurité. Faulcon et Lena Tanoway n’étaient que de minuscules silhouettes noires au milieu de cette immensité.

Faulcon se rendit soudain compte que Lena lui parlait ; sa voix s’était doucement insinuée dans la confusion sensorielle de son esprit. Il la regarda et la vit désigner un point de l’autre côté du canyon. Faulcon enclencha le grossissement de son casque, et la silhouette massive du commandant Ensavlion apparut clairement devant lui, reconnaissable à l’insigne de sa combinaison. Il se tenait tout au bord d’un escarpement, au fond duquel se dressaient les tentes contenant les corps des entités sorties de l’Outretemps. Des formes de vie inintelligentes évidemment, pour la plupart animales, pourvues de pseudo-organismes inclassables en termes terrestres. Ensavlion demeurait immobile, la tête baissée tandis qu’il scrutait le fond de la vallée. Il ne semblait pas avoir remarqué l’équipe qui l’observait à deux kilomètres de là.

Faulcon savait qu’Ensavlion allait tous les jours dans la vallée, parfois seulement quelques minutes, parfois des heures. Il venait là et observait, et peut-être qu’un jour il reverrait cette petite pyramide étincelante ; elle illuminerait le canyon, surgie de nulle part, et les grandes silhouettes vacillantes se matérialiseraient à travers ses parois, se déplaceraient une minute dans la vallée avant de rentrer dans leur machine et de disparaître de nouveau dans le temps. Bien que ces voyageurs fussent peut-être des visiteurs réguliers de cet endroit et de cette époque, ils ne s’étaient matérialisés qu’une fois devant un groupe d’hommes. L’un d’eux ne s’était pas enfui à leur arrivée, un homme dont le souvenir de cet événement était si altéré, par le temps et le besoin de revivre cette expérience, que la pyramide avait enflé dans ses récits jusqu’à devenir vingt fois plus grosse qu’en réalité, et les créatures s’étaient transformées en manifestations divines de la super-race qu’il cherchait dans l’univers avec tant d’obstination.

Tandis que Faulcon observait le commandant Ensavlion, étrangement troublé et cependant fasciné par cet officier et par le chaos d’émotions qui semblait le tourmenter depuis l’arrivée de Kris Dojaan, la silhouette se tourna et disparut sous les pentes d’accès du canyon. Faulcon débrancha le masque grossissant de son casque et se préoccupa de nouveau de retrouver son coéquipier.

Il s’écoula quatre heures avant qu’il ne le repère, assis sur un rocher saillant, à une centaine de mètres plus bas sur la pente intérieure de la vallée. Il paraissait contempler l’infini, la tête tournée, le regard fixé quelque part au-dessus de l’horizon du rift. Les genoux pliés, enserrés par ses bras, il ressemblait à n’importe quel touriste dans n’importe quelle gorge de n’importe quel monde. L’irresponsabilité de son comportement mit Lena en fureur, et elle manqua de hurler, mais Kris demeura impassible. Peut-être la minuscule radio de son masque ne fonctionnait-elle pas.

Faulcon resta au même niveau que Lena, dont la combinaison dévalait la pente d’une manière qui paraissait précaire mais ne l’était pas. Bientôt, ils arrivèrent derrière le garçon. Kris se retourna au dernier moment, mais il ne paraissait pas alarmé. Lorsque la combinaison-R le souleva aussi facilement qu’un chat, il resta immobile et impassible. Il fit signe à Faulcon alors qu’il remontait la pente dans les bras de sa chef d’équipe.

Lena le déposa bien moins doucement qu’elle ne l’avait soulevé. Faulcon abaissa le volume de sa radio tandis que la voix de Lena criait violemment dans ses écouteurs.

« Du calme, dit Kris. Je suis en vie, pas vrai ? » Avant que Lena puisse lui répondre par la manière forte, Faulcon, qui sentait qu’une telle réaction n’était pas à écarter, coupa court.

« Emmenons-le à la station la plus proche. Peut-être qu’Ensavlion ne l’apprendra jamais.

— Bonne idée », répondit Lena. Ils soulevèrent Kris et l’installèrent entre eux, puis coururent près de deux kilomètres jusqu’à la station Shibano.

Dans l’abri chaud et spacieux de la station, Faulcon sortit de sa combinaison et aida Lena à faire de même. Les deux techniciens de garde, vieillissants, plutôt sauvages, ne bougèrent pas de leur console ; ils surveillaient la vallée, guettant comme toujours les brusques détonations atmosphériques – symphonie électromagnétique – qui annonçaient l’apparition soudaine d’un vent du temps. Les vents ne naissaient pas à une extrémité de la vallée pour souffler à travers la gorge jusqu’à l’autre bout. Ils pouvaient se former n’importe où, et même s’ils soufflaient généralement d’est en ouest, on savait qu’ils pouvaient aussi souffler dans la direction opposée. La vallée était placée sous une surveillance constante, qui réclamait une grande concentration.

« C’était stupide », attaqua Faulcon. Assis en cercle près d’une large fenêtre dominant la vallée, ils buvaient une soupe chaude à petites gorgées ; le verre épais de la fenêtre était teinté, si bien que l’intérieur du dôme semblait légèrement bleuté. Sur Kamélios, où le soleil vieillissant projetait sur tout ce qu’il touchait une ombre rougeâtre, cet effet était pour le moins troublant.

« T’es totalement irresponsable ! » aboya Lena, les yeux rivés sur Kris. « Dans mon équipe, on obéit aux règles. Non seulement tu as mis ta vie en danger, mais tu m’as dérangée et tu m’as mise en danger moi aussi. Et ça, je ne te le pardonne pas. »

Kris, le visage blême, ne manifestait pas le moindre repentir. Il buvait sa soupe, tenant son bol à deux mains, et regardait le panorama.

« Je crois que je suis désolé, finit-il par dire.

— Voilà qui est regrettable, annonça Lena sèchement. Si tu étais sûr d’être désolé, je t’apprécierais beaucoup plus.

— Je suis vraiment désolé, corrigea Kris en la regardant. J’ai agi comme un imbécile. Je vous demande juste de vous mettre à ma place, de rentrer un instant dans mon cerveau et de jeter un œil à ce qui s’y trouve. » Il leva des yeux implorants vers Faulcon. L’honnêteté transpirait de ses traits juvéniles. « Il faut que vous sachiez ce que c’est… ce que c’était… de venir de si loin pour retrouver Mark, pour le voir, et d’être privé de sa présence à cause… d’un danger que depuis mon arrivée je n’ai jamais vu ni entendu, dont je n’ai même jamais eu vent, si vous me pardonnez ce piètre jeu de mots. »

Lena écarta cette boutade d’un regard méprisant. Kris tenta de l’ignorer et se tourna vers Faulcon.

« J’ai vu le fantôme, Léo. Je t’assure.

— Beaucoup de gens ont vu le fantôme. »

Faulcon reconnaissait dans l’expression de Kris la preuve qu’il avait fait plus que l’apercevoir de loin. Il se demanda à quelle distance il s’en était approche, mais il ne voulait pas tenter de soutirer des informations à Kris, pas dans cette atmosphère hostile.

Au loin, les deux techniciens rirent de quelque plaisanterie ; leur console avait produit des craquements, signe qu’ils communiquaient avec quelqu’un se baladant sur la planète. Faulcon les considéra une seconde, puis son regard retomba sur Kris Dojaan, qui se mâchonnait la lèvre inférieure, anxieux et pensif.

« Je sais que beaucoup de gens l’ont aperçu, dit-il. Mais moi je m’en suis approché. »

Lena paraissait maintenant plus intéressée.

« À quelle distance ?

— Comme toi et moi », dit Kris. Sa réticence à parler était exaspérante. « La première nuit, je ne me suis pas beaucoup approché. J’ai vu la silhouette et elle s’est échappée. » Faulcon était horrifié.

« La première nuit ? Tu veux dire que tu es sorti toutes les nuits depuis qu’on est revenus ? »

Kris sourit.

« Je vais me faire taper sur les doigts ?

— Crétin », dit Lena calmement, et Kris haussa les épaules.

« Je ne suis pas le seul de la cité à sortir la nuit. Le premier soir, j’ai vu quelqu’un en combinaison-R, qui courait comme un dératé le long du canyon, et qui hurlait, je crois. J’entendais des sons sortir de son casque. J’étais loin et il ne m’a pas vu. Je me cachais. Mais ça ne change rien au fait qu’il portait une combinaison-R et que, s’il cherchait le fantôme, la chance ne lui sourirait pas. Les combinaisons se déplacent trop vite et le fantôme ne prend pas de risque. Moi, comme j’étais quasiment nu, il m’a fait confiance.

— Je doute qu’il cherchait le fantôme, dit Lena, plus probablement une pyramide dorée.

— Tu insinues qu’il s’agissait du commandant Ensavlion ? Oui, c’est possible. »

Faulcon le regarda gravement, calmement, et finit par dire :

« Et le fantôme ? Qu’est-ce que tu as appris ?

— Trop de choses », répondit rapidement Kris, sans croiser son regard.

Après quelques secondes de silence, Faulcon enchaîna :

« Alors, j’avais raison ? Tu comprends un petit peu mieux ce monde ?

— Tu veux dire que c’est moi qui cours là-dehors en haillons ? »

Kris ne sourit ni ne fronça les sourcils, mais sa voix se fit triste pendant un instant.

« En tout cas, ce n’est pas Mark. J’étais convaincu que c’était Mark, mais je me trompais. Il faut donc que je reparte à sa recherche. Ça ne fait rien. C’est la raison de ma venue sur Kamélios. C’est dans mon contrat. »

Faulcon et Lena échangèrent un regard gêné. Dans son contrat ? Son contrat de travail ? Il ne comportait sûrement aucune clause obligeant un homme à sacrifier sa vie dans l’Outretemps. Mais Kris ne précisa pas sa pensée.

Laissant pour le moment cette phrase énigmatique de côté, Faulcon insista.

« Si ce n’est pas Mark, alors qui est-ce ? Tu dois le savoir si tu lui as parlé !

— Je ne suis pas sûr de le savoir, répondit le garçon. Et je préfère ne pas dire ce que je pense. Ne me force pas, Léo. S’il te plaît. Je ne veux vraiment pas en parler. »

Exaspérée, Lena se leva, lissa son justaucorps et secoua la tête.

« Je rentre à la cité. On m’a dit qu’un transport de marchandise allait passer ici dans deux ou trois heures ; il te ramènera. C’est compris ? » Kris hocha la tête. Lena regarda Faulcon.

« Tu viens ?

— Plus tard », répondit-il. Lena resta perplexe un moment et le regarda avec curiosité. Comme il ne faisait pas mine de s’expliquer, elle tourna les talons et partit en direction de l’alcôve où se dressait sa combinaison. Avant que Faulcon puisse se lever pour l’aider, elle avait sauté dans la machine et marchait vers le sas.

« Je ne veux vraiment pas en parler », dit Kris tandis qu’elle s’en allait, regardant Faulcon, ennuyé.

Il supposait évidemment que Faulcon était resté parce qu’il pensait que Kris se sentait mal à l’aise en compagnie de Lena. Ce n’était pas le cas. Faulcon sourit à son coéquipier et s’aperçut que celui-ci avait l’air épuisé.

« Je suis claqué. C’est vrai. L’entraînement, les nuits blanches… je commence à en payer les frais.

— Alors va dormir », dit Faulcon. Kris marcha jusqu’à un canapé et s’y recroquevilla avec reconnaissance.

Faulcon le regarda un moment, puis se leva et alla chercher le masque de sa combinaison. Les deux techniciens le regardèrent sèchement tandis qu’il attachait le masque, et l’un d’eux dit :

« C’est contre les règles de sortir sans combinaison-R.

— Vous n’aurez qu’à me signaler, répliqua âprement Faulcon. Mais d’abord, laissez-moi sortir. »

À contrecœur, le technicien obtempéra.

 

Courir. C’était comme courir à travers le temps : une liberté exquise, une façon de se déplacer si terrifiante qu’elle en était presque intellectuelle. L’abandon de toute responsabilité, le superflu de la combinaison protectrice, la course à travers ce bras mort du grand fleuve du temps, tout cela s’apparentait à une expérience religieuse, et Faulcon voulait en chanter les louanges, célébrer la sueur qui couvrait son corps, chanter la tension des câbles qui le faisaient avancer.

Il descendit les pentes du canyon et perdit le soleil de vue. Le manteau rouge foncé se changea en nuit obscure, une terre d’ombres, où les structures et le délabrement étaient soulignés, puis illuminés, puis rougis, puis plongés subitement dans les ténèbres ; tandis qu’il serpentait entre ces étrangetés, il découvrit que le déplacement d’une ruine contre une autre était d’une beauté incompréhensible. La spirale de cristal rougeoyant se transformait brusquement en gigantesque silhouette noire, qui traversait son champ de vision pour lui montrer de merveilleux enchevêtrements de pyramides et de cubes, illuminés par le vert et le rouge de l’arc-en-ciel.

Plus profond ; plus sombre ; un éclat de lumière dans le sédiment aride du temps, courant à travers les âges du monde, rampant le long des éons. Les rocs et les fossiles des strates qui s’éparpillent, s’effritent et tracent leur propre chemin depuis le parapermien jusqu’à un cambrien stérile, et toujours plus profond jusqu’aux plaines couturées de cicatrices des parties les plus profondes de la gorge crépusculaire.

Avant d’atteindre le fond, après plus d’une heure de descente, la détermination de Faulcon s’étiola submergée par le frisson de la peur, et il s’assit pesamment dans le silence. Il arborait un sourire de triomphe derrière son masque, le triomphe d’être allé si loin, d’avoir surmonté ses craintes à ce point. Tout le malaise qu’il éprouvait en compagnie de Kris Dojaan avait disparu. Il était désormais confronté à la terreur de se perdre dans le temps, terreur qui le hantait depuis ses premiers jours sur Kamélios. Exposé aux vents, il pouvait mesurer l’étendue de son courage ; depuis qu’il était ici, et cela faisait des mois, jamais il n’avait osé s’approcher de la vallée sans combinaison, et petit à petit cette combinaison était devenue un masque pour son appréhension, une béquille qui s’était presque greffée sur son corps. Pour la première fois depuis une éternité, il découvrait la nature de sa relation avec le monde de VanderZande. Il sentait son souffle le bousculer et l’aspirer tels les doigts d’une brise ordinaire annonçant la tombée de la nuit. Jouissant d’un panorama sur la vallée et l’horizon occidental, il s’assit tout comme Kris et, face à la paroi opposée du canyon, il médita sur les esprits qui avaient conçu ce carnaval de ruines ; il examina ensuite la nature de ses craintes, et l’extase, l’excitation qu’engendrait sa contemplation de la terre étrangère déroulée devant lui, une terre qu’il avait tant de fois observée auparavant, toujours avec une indifférence blasée, y cherchant à la manière d’un mercenaire tout ce qui pouvait se revendre.

Oui, une grande part de la froideur provenait de la combinaison-R, de l’environnement stable, de la machine fabriquée par l’homme qui renfermait la créature de chair, intelligente, vaquant à ses occupations, consciente que la combinaison accroissait ses chances de survie, de façon si exponentielle que la partie était pratiquement gagnée d’avance. Et lorsque la sensation de danger disparaissait, peut-être la déférence lui emboîtait-elle le pas. L’appréciation entière du mystère exigeait un lien direct avec l’âme, et les combinaisons-R déconnectaient l’âme aussi durement et aussi certainement qu’elles vous déconnectaient du vent, de l’air, des vagues d’énergie, du souffle même du temps.

Désormais il était libre. Son cœur et son âme s’élancèrent au-dessus du canyon, se posèrent sur une structure, puis sur une autre, volèrent de vestige de cité en vestige de cité, sans jamais savoir si un milliard d’années séparaient chaque saut visuel d’une spire à une arche de pierre, puis de nouveau jusqu’au sol.

Où es-tu donc ? Allez, montre-toi. Je n’ai pas toute la journée.

Un long moment s’écoula, mais Faulcon resta immobile, fouillant du regard le canyon et les bâtiments en quête de mouvement. Le jour rougit, s’assombrit. Il sut que bientôt il devrait remonter la pente ou risquer de passer la nuit dans la vallée, exposé au terrible froid de la nuit kamélionne, exposé surtout à la moindre bourrasque temporelle qui ne manquerait pas de cingler l’air dans les prochaines heures. Son justaucorps pouvait maintenir une certaine chaleur ou fraîcheur en cas de modeste fluctuation des températures. Mais la nuit insinuerait petit à petit son froid vampirique à travers l’étoffe.

Un mouvement, au loin, lui coupa le souffle. Il plissa les yeux vers l’ouest, en direction de la Cité d’Acier, au-delà des quelques kilomètres de canyon qu’il pouvait distinguer avant que la vallée ne s’incurve et lui bouche la vue. Au fur et à mesure qu’il regardait, il se rendit compte qu’il s’agissait de douze silhouettes revêtues de combinaisons-R qui couraient au fond du canyon. Elles disparurent au loin dans une structure invisible. Faulcon se demandait ce qu’ils pouvaient bien faire là. Il avait toujours cru que toutes les missions revenaient à leurs stations ou à la cité au crépuscule.

Il ne parvenait à s’interroger sur ces lointaines silhouettes que depuis quelques secondes, lorsqu’il entendit des pierres dégringoler, et le bruit reconnaissable entre mille de quelque chose se déplaçant sur les corniches au-dessus de lui. Il se souvint en frissonnant que cette partie de la vallée était le terrain de chasse favori du gulgaroth mâle, qui, après plusieurs jours de jeûne, incluait volontiers dans son menu les humains sans défense. Il se leva en hâte, se tourna et scruta les deux, en quête de la silhouette lisse et brillante de la créature. Ce faisant, il sentit ses poils se hérisser. Il imagina qu’on l’observait depuis le fond de la vallée. La présence était si forte qu’il cria, mais lorsqu’il fit demi-tour il n’y avait rien à voir et la sensation s’estompa. Il reporta son attention sur le haut de la pente. Pendant un moment, il ne vit rien d’autre que la falaise et les ondulations de la végétation qui s’accrochait aux pentes les plus douces. Puis quelque chose, trop petit pour que ce soit un gulgaroth, fila vers sa gauche. Il pensa d’abord qu’il s’agissait d’un animal, mais lorsque la chose glissa et s’arrêta, il se rendit compte qu’il regardait un homme, un vieillard, vêtu de l’uniforme en loques de la Cité d’Acier et d’un petit masque de survie. Faulcon comprit sans hésiter que c’était l’homme qu’il cherchait. Il lui cria d’attendre, mais son propre masque étouffa le son de sa voix. Il lui fit signe. L’homme se tourna, lui jeta un bref regard, puis s’élança sur la pente du canyon, derrière un affleurement irrégulier de roche scintillante.

Faulcon partit à sa poursuite sur la déclivité et l’appela de toute la force de ses poumons. Le fantôme fuyait, mais Faulcon le rattrapait. Il était plus proche de lui qu’il ne l’aurait jamais cru possible. Qui que soit cet homme, il rechignait à utiliser sa capacité à se téléporter. Il voulait que Faulcon s’approche, et cependant il avait peur de se retrouver face à lui.

« S’il vous plaît ! Attendez ! Vous avez parlé à mon ami, parlez-moi. Bon sang, attendez… »

Pourquoi ai-je aussi peur ? Mon impatience ne fait que refléter ma peur, n’est-ce pas ? Évidemment.

Tout à coup, le fantôme se recroquevilla devant lui, tremblant, le visage dans les mains, les doigts écartés de manière à dissimuler les traits ridés que le masque ne recouvrait pas. Faulcon se demanda s’il avait l’air effrayant, inhumain avec le masque étroit qu’il portait lui aussi ; peut-être que s’il le retirait, s’il montrait son visage, le fantôme comprendrait la sincérité de sa démarche. Il enleva ses lunettes à facettes et, durant une seconde, fut pris de haut-le-cœur à cause de l’atmosphère de Kamélios avant de pouvoir replacer le respirateur dans sa bouche. Maintenant, il pouvait respirer mais ne pouvait plus articuler normalement. « Je suis votre ami ! »

Des paroles condescendantes, difficiles à prononcer : retirer le respirateur et parler sans avaler d’air ; remettre le respirateur ; évacuer les larmes de quelques clignements d’œil ; subir le supplice des sensations asphyxiantes provoquées par les composés organiques qui rendaient irrespirable l’atmosphère de Kamélios. La silhouette de l’homme, recroquevillée, restait muette, sans plus émettre le moindre de ces gémissements étrangement animaux.

« Qui êtes-vous ? » demanda Faulcon, qui apprenait à parler et respirer sans s’étouffer. « Dites-le-moi, s’il vous plaît. » Respire ! « Je ne suis pas un simple curieux, je veux vraiment savoir. »

La silhouette se détourna et l’étoffe de la combinaison en lambeaux s’étira sur son dos. Le fantôme leva une main ridée, tremblante, la leva vers Faulcon, tendit le bras en un geste qui se voulait le plus éloquent possible : s’il vous plaît, n’approchez pas.

Faulcon s’approcha et entendit le fantôme hurler, d’une voix étrangement vieille, aiguë, la voix d’un très très vieil homme, presque enfantine, presque désespérée. La main trembla, puis fut happée par le corps et la silhouette sembla se tapir encore davantage. Faulcon se passa la main sur les yeux afin de s’éclaircir la vue, conscient que moins d’une minute d’exposition à l’atmosphère kamélionne suffisait à attaquer la cornée. Il se rendit compte qu’il était sur le point de perdre, et alors même qu’il criait – « Non, attendez, s’il vous plaît… Il faut que je sache qui vous êtes… » − la silhouette s’effaça à travers ses larmes, sembla bondir hors de vue, et disparut subitement, aussi facilement, aussi complètement qu’une brise passagère. Faulcon se surprit à contempler un rocher nu à travers ses lunettes, encore en position de suppliant, encore occupé à tenter de fixer correctement le masque. Il se redressa et regarda autour de lui. Amèrement déçu, et cependant rempli d’allégresse en son for intérieur parce qu’il venait d’accomplir plus qu’il ne l’avait cru possible durant toutes ces années, il remonta lentement la falaise. Longtemps après, pendant la dernière heure du crépuscule rouge vif de Kamélios, il pénétra sous le dôme de la station d’observation Shibano et appliqua un onguent spécial sur ses yeux larmoyants. Dans sa vision trouble, il remarqua que Kris Dojaan ne se trouvait plus dans la salle principale. Il demanda aux techniciens si le transport de marchandise l’avait ramené à la Cité d’Acier et apprit que celui-ci avait été retardé.

Pendant une seconde, l’inquiétude empêcha Faulcon de parler puis, le visage impassible, il regarda les techniciens.

« Où est-il, alors ?

— Un des commandants de section est venu. Il y a quelques minutes à peine.

— Ensavlion ? » demanda Faulcon, et le technicien sourit.

« En personne. Il allait chercher des extraterrestres et il s’est arrêté pour prendre un verre. »

Les techniciens trouvaient cette plaisanterie très amusante. Faulcon demeura impavide. Qu’est-ce qu’Ensavlion faisait ici ? Coïncidence ? Il savait certainement que trois membres de son équipe s’étaient présentés. Les techniciens devaient avoir refusé de passer outre au règlement et avaient signalé leur arrivée. À moins que le commandant ne les ait encore suivis ? Que racontait-il à Kris de si important qu’il dût le faire hors de la salle principale, loin des oreilles indiscrètes ? « Ils sont là-bas », dit-il à Faulcon. Faulcon suivit le regard du technicien pointé vers la salle de détente et de télévision, maintenant éclairée. La porte était entrouverte. Faulcon alla silencieusement se poster juste à côté et jeta un coup d’œil prudent à l’intérieur.

Kris était assis le dos à la porte. Le commandant Ensavlion était appuyé contre le meuble en ébène qui abritait la télé. Il ne regardait ni le garçon ni l’intrus qui les observait de l’extérieur.

 

Le souffle du temps
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